Point sur la règlementation des experts au CHSCT dans la fonction publique hospitalière

Date de publication : 30 Août 2010
Date de modification : 30 Août 2010

Le CHSCT « peut faire appel à un expert agréé » (article L.4614-12 Code du travail). Cette disposition législative pose question dans la mesure où elle laisse entendre que le CHSCT peut choisir librement un expert agréé et ainsi engager unilatéralement l’établissement. Cette situation est problématique tant sur le plan financier que juridique.

Notre propos ici sera d’apporter aux établissements un certain nombre d’éléments de clarification sur la réglementation et la jurisprudence qui s’appliquent en matière de recours aux experts agréés.

  1. 1. Le CHSCT a-t-il la personnalité morale ?

L’arrêt de 1991 (Soc.17/04/1991, n°89-17993, 89-43767, 89-43770) a mis fin au débat qui avait cours sur la reconnaissance ou pas de la personnalité civile au CHSCT. C’est depuis cet arrêt de principe que la jurisprudence considère, sans qu’aucun texte ne le prévoie, que le CHSCT a une personnalité civile et ce parce qu’il a pour objet de défendre les intérêts du personnel en matière d’hygiène et de sécurité (c’est l’existence d’un intérêt collectif qui fonde cette personnalité juridique). Cette jurisprudence étend finalement au CHSCT le principe qu’elle avait déjà retenu en 1954 : celui de la personnalité civile du comité d’entreprise. La personnalité civile, c’est-à-dire la personnalité juridique, lui donne donc capacité juridique pour notamment signer des contrats ou bien agir en justice.

  1. 2. le CHSCT peut-il engager l’établissement sans respecter les règles du code des marchés publics (CMP) ?

Si l’on reprend l’arrêt de la chambre sociale du 26 juin 2001 (Soc. 26/06/2001, n°99-18249), l’article L.236-9 du code du travail, aujourd’hui L.4614-12, pris pour fonder sa décision lui a permis de conclure que :

  1. l’employeur n’est pas partie au contrat passé par le comité et l’expert puisque c’est le CHSCT qui « peut faire appel à un expert agréé » ; en conséquence, la procédure d’appel d’offres prévu dans le code des marchés publics n’était pas susceptible de s’appliquer au contrat conclu.
  2. les dispositions sur la procédure d’appel d’offres étant applicables pour les marchés de l’Etat, de ses établissements publics administratifs (EPA), elles ne peuvent pas s’appliquer à EDF qui est un établissement public industriel et commercial (EPIC)

Cela étant, la solution n’aurait pas différé s’il s’était agi d’un établissement public de santé, qui est un EPA, puisque le CHSCT de l’hôpital ayant la personnalité juridique et n’étant pas un pouvoir adjudicateur au sens de l’article 2 du code des marchés publics, ne rentre pas dans le champ du code des marchés publics.

En conséquence, il n’apparaît pas possible, sauf accord du CHSCT, de soumettre le contrat passé entre le CHSCT et l’expert à la procédure du code des marchés publics.

Au regard de ces dispositions et de cette jurisprudence, il a pu être considéré plus largement qu’aucune règle de publicité et de mise en concurrence ne pouvaient être mises en œuvre. Cette considération a l’extrême désagrément pour l’établissement de l’amener à prendre en charge des frais d’expertise pouvant être particulièrement élevés selon le choix opéré par le CHSCT (L.4614-13 du code du travail). Elle apparaît de plus dérogatoire au principe bien connu de « décideur-payeur ».

Par ailleurs, cette considération ne semble pas justifiée juridiquement. L’ordonnance n°2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics peut s’appliquer au CHSCT d’un établissement public de santé. En effet, le CHSCT répond aux critères du pouvoir adjudicateur au sens de l’article 3 de cette ordonnance (article 3 I.1° a) de l’ordonnance). L’ordonnance en référé du tribunal de grande instance de Rennes du 3 juin 2010 va d’ailleurs en ce sens (cf. article du site FHF du 30 /08/2010). En conséquence, les règles de mise en concurrence et de publicité de l’ordonnance peuvent s’appliquer en la matière selon les conditions et modalités prévues réglementairement.

3. l’établissement peut-il refuser le choix de l’expert agréé ?

Le seul moyen laissé à l’établissement pour contester la désignation de l’expert par le CHSCT, le coût, l’étendue ou le délai de l’expertise est le recours au juge judiciaire (président TGI) (cf. code du travail : L.4614-13). Autrement dit, aucune phase de concertation ou de conciliation n’est prévue. L’établissement est contraint d’engager une procédure contentieuse pour faire entendre ses arguments. Il peut être intéressant de relever le paradoxe de cette situation qui s’inscrit à un moment où tout est mis en œuvre pour favoriser le dialogue social.

Références textuelles

Article L4614-12 CT

Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé :

1° Lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ;

2° En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article L. 4612-8.

Les conditions dans lesquelles l'expert est agréé par l'autorité administrative et rend son expertise sont déterminées par voie réglementaire.

NOTA:

Ordonnance 2007-329 du 12 mars 2007 art. 14 : Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur en même temps que la partie réglementaire du code du travail et au plus tard le 1er mars 2008.

La loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 dans son article 2 X a fixé la date d'entrée en vigueur de la partie législative du code du travail au 1er mai 2008.

Article 1 code des marchés publics

I.-Les dispositions du présent code s'appliquent aux marchés publics et aux accords-cadres ainsi définis :

Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services.

Les accords-cadres sont les contrats conclus entre un des pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés, ayant pour objet d'établir les termes régissant les marchés à passer au cours d'une période donnée, notamment en ce qui concerne les prix et, le cas échéant, les quantités envisagées.

Article 2 code des marchés publics

Les pouvoirs adjudicateurs soumis au présent code sont :

1° L'Etat et ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial ;

2° Les collectivités territoriales et les établissements publics locaux.

Sauf dispositions contraires, les règles applicables à l'Etat le sont également à ceux de ses établissements publics auxquels s'appliquent les dispositions du présent code. De même, sauf dispositions contraires, les règles applicables aux collectivités territoriales le sont également aux établissements publics locaux.

Article 3 ordonnance 2005-649

I. - Les pouvoirs adjudicateurs soumis à la présente ordonnance sont :

1° Les organismes de droit privé ou les organismes de droit public autres que ceux soumis au code des marchés publics dotés de la personnalité juridique et qui ont été créés pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial, dont :

a) Soit l'activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur soumis au code des marchés publics ou à la présente ordonnance ;

b) Soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur soumis au code des marchés publics ou à la présente ordonnance ;

c) Soit l'organe d'administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur soumis au code des marchés publics ou à la présente ordonnance ;

2° La Banque de France, l'Institut de France, l'Académie française, l'Académie des inscriptions et belles-lettres, l'Académie des sciences, l'Académie des beaux-arts et l'Académie des sciences morales et politiques ;

3° La Caisse des dépôts et consignations ;

4° Les organismes de droit privé dotés de la personnalité juridique constitués en vue de réaliser certaines activités en commun :

a) Soit par des pouvoirs adjudicateurs soumis au code des marchés publics ;

b) Soit par des pouvoirs adjudicateurs soumis à la présente ordonnance ;

c) Soit par des pouvoirs adjudicateurs soumis au code des marchés publics et des pouvoirs adjudicateurs soumis à la présente ordonnance.

5° Tous les établissements publics à caractère administratif ayant dans leur statut une mission de recherche, parmi lesquels les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, les établissements publics de coopération scientifique et les établissements publics à caractère scientifique et technologique, pour les achats de fournitures, de services et de travaux destinés à la conduite de leurs activités de recherche.

Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application de cette disposition et, notamment, les conditions dans lesquelles lesdits établissements fixent, en tant que pouvoir adjudicateur, les modalités de passation des marchés pour leurs achats scientifiques.

II. - Les dispositions de la présente ordonnance ne font pas obstacle à la possibilité pour les pouvoirs adjudicateurs d'appliquer volontairement les règles prévues par le code des marchés publics.

Article 2 ordonnance n°2005-649

Les marchés de travaux sont les marchés conclus avec des entrepreneurs qui ont pour objet soit l'exécution, soit conjointement la conception et l'exécution d'un ouvrage ou de travaux de bâtiment ou de génie civil répondant à des besoins précisés par le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice. Un ouvrage est le résultat d'un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique.

Les marchés de fournitures sont les marchés conclus avec des fournisseurs qui ont pour objet l'achat, la prise en crédit-bail, la location ou la location-vente, de produits ou matériels.

Les marchés de services sont les marchés conclus avec des prestataires de services qui ont pour objet la réalisation de prestations de services.

Lorsqu'un marché a pour objet à la fois des services et des fournitures, il est un marché de services si la valeur de ceux-ci dépasse celle des produits à fournir.

Lorsqu'un marché porte à la fois sur des services et des travaux, il est un marché de travaux si son objet principal est de réaliser des travaux.

Un marché ayant pour objet la fourniture de produits et, à titre accessoire, des travaux de pose et d'installation est considéré comme un marché de fournitures.

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